Thomas Hardy est un écrivain anglais de la fin du dix neuvième siècle, à la fois romancier et poète. Il publie Jude l’obscur en 1896, c’est l’un de ses trois romans considérés comme des chefs d’œuvre.
Voici un bref résumé de l’histoire.
Jude Fawley est un austère maçon rêvant d’une vie meilleure et s’acharnant à acquérir le savoir et la culture à travers la lecture d’ouvrages anciens.
Après un mariage raté avec Arabella, il rencontre Sue, sa cousine, mariée à un maître d’école.
Son amour passionné pour cette femme va lui ouvrir de nouveaux horizons…en somme Jude est « une âme affamée en quête d’une âme parfaite »
« Il pressentait en elle une âme sœur, pour un jeune homme impressionnable et solitaire, la conscience d’avoir enfin trouvé un refuge pour ses pensées, qui suffirait à toutes ses aspirations sociales et intellectuelles…le mettait dans une atmosphère d’extase très réconfortante ».
Jude place la barre un peu trop haute et ainsi, bien que Sue ressente un amour irrémédiable pour lui, ils ne parviendront pas à être heureux ensemble.
Pourtant, cela commençait bien : « Regardant sa bien aimée telle qu’elle lui apparaissait maintenant, l’amie la plus douce, la plus désintéressée qu’il n’eût jamais connue, une créature vivant par l’esprit, si éthérée qu’on pouvait voir son âme trembler à travers sa chair… »
Ils tentent de fuir cet amour dévastateur mais n’y parviennent pas : « Il savait qu’il retournerait la voir puisqu’elle l’avait invité. Ces hommes sérieux dont il lisait les vies, les saints, que Sue appelait avec une douce irrévérence ses demi-dieux, auraient fui de telles rencontres s’ils avaient douté de leurs forces. Mais il ne le pouvait pas. Il aurait beau prier et jeûner dans l’intervalle, l’humain était plus puissant en lui que le divin. ».
Leur amour les conduira doucement mais inexorablement vers la perdition : « Oui mais Sue, ma femme quoi que vous en disiez…vous ne m’avez jamais aimé comme je vous aimais, jamais- jamais ! Votre cœur n’est pas passionné, il ne brûle pas en une grande flamme ! Vous êtes en somme très froide, une sorte de fée, d’esprit…pas une femme »
C’est Somaya qui m’avait très rapidement conseillé de lire ce roman, lorsque je parlais avec elle des sœurs Brontë.
Hé bien, Somaja, je t’embauche pour être mon conseiller littéraire car ce roman je l’ai vraiment aimé. Le début est un peu laborieux bien qu’indispensable pour la suite du récit, mais dès que le personnage de Sue entre en scène, le livre devient passionnant.
L'écriture de Thomas Hardy est des plus romanesque, à la fois envoûtante, émouvante, ode à l’amour , à la nature. C'est également un bras d’honneur classieux et imposant aux conventions, au mariage en tant que norme et à la religion, aux interdits.
Le personnage de Jude est vraiment fantastique : cet être un peu terne est finalement ce qu’on appellerait aujourd’hui un tocard ou un loser. Il veut être instruit mais échoue de par sa modeste condition; il veut être pasteur mais échoue de par ses convictions profondes; il veut aimer Sue de toutes ses forces, mais échoue dans sa tentative de bonheur partagé .
Sue est plus complexe, toute en contradictions, faite de réserves…elle veut seulement l’aimer platoniquement au départ, puis maritalement mais refusant finalement le mariage, elle finira par se faire happer par le mysticisme religieux.
J’en ai déjà trop dit…
Jude l’obscur est l’un de mes livres préférés découverts cette année et probablement l'un des dix meilleurs romans que j’ai lus. C’est une œuvre très romantique, très noire, très pessimiste mais écrite de manière poétique, sensuelle et terriblement humaine.
Je me tais et laisse parler Thomas Hardy en me disant que si j’ai convaincu une seule âme de lire ce roman, alors je n’aurais pas perdu mon temps…
« Mrs Edlin, ne vous effrayez pas de mes divagations. Je suis obligé de me parler à moi-même pendant ces longues heures de lit où je suis seul. Sue était autrefois une femme dont l’intelligence était, par rapport à la mienne, une étoile à coté d’une lampe à pétrole, qui voyait toutes mes superstitions comme des toiles d’araignée qu’elle pouvait épousseter d’un seul mot. Puis nous eurent à supporter une terrible affliction, son intelligence sombra et elle vira dans les ténèbres »
Je me rends compte que je n’ai pas donné la parole à Sue alors je lui laisse le mot de la fin…
« Oh non ! Ne me méprisez pas, embrassez-moi ! Embrassez-moi une quantité de fois et dites que je ne suis pas lâche, pas méprisable, que je ne vous mystifie pas. Je ne puis le supporter. Oh il faut que je vous le dise mon amour chéri…cela n’a été qu’un mariage à l’église, un mariage en apparence…mais là, là chérie, je vous rends vos baisers, je vous les rends…et maintenant je me détesterai à jamais pour mon péché. »