Philippe Djian a bien raison : ce qui compte chez un écrivain, c’est le style, l’histoire on s’en fiche un peu. Les grands auteurs romantiques ne sont plus que des fantômes…
J’ai découvert Le café de l’Excelcior grâce à Asphodèle (dans la foulée j'ai pris aussi la photo de sa chronique...sur son blog) et ma foi, Philippe Claudel à un vrai style d’écrivain nostalgique et émouvant.
Ce petit récit d’environ soixante-cinq pages est l’évocation de l’enfance du narrateur et plus particulièrement des trois années qu’il passât chez son grand-père, à la mort de ses parents. Ce grand père fut un gentil alcoolique tenant un café de village dans les années 60 : l’Excelsior.
Pas beaucoup d’originalité dans le thème mais un style léché, aérien : « Le soir, quand le bistro était enfin livré à lui-même, dans l’inégalable tranquillité des choses, Grand-père se couchait dans un vaste lit creusé par le temps et son poids de géant. Un édredon énorme rajoutait à son ventre des rondeurs monstrueuses. Le sommeil le prenait vite, puis ses ronflements emplissaient la pièce, et je ne pouvais m’endormir sans les entendre, ces bruits d’hélice, de forge et de moteur, car j’avais le sentiment que leur symphonie barbare était le cri d’une vigie chaleureuse qui veillait sur ma jeune vie pour éloigner d’elle tous les assauts du mal ».
Dans chaque chapitre on retrouve des mots mélancoliques qui nous portent. On peut lire d’une traite et rester accroché à l’univers décrit par Philippe Claudel.
Il faut juste ne pas avoir peur des phrases à rallonge qui donnent un coté parfois pompeux à son écriture mais lui confèrent une force particulière, une lumière un peu magique...assez persistante.
J’aime beaucoup ce passage là : « Les années entaillent le front des hommes à mesure qu’elle ronge leurs cœurs et si l’on dit que la vie se lit sur l’usure d’un visage, c’est que nos corps penchés trahissent nos errements et nos peines. Mais il suffit parfois qu’une main -celle des songes, ou la nôtre- ferme les yeux à ceux que l’on aime pour les voir redevenir jeunes et beaux, purs des crasses et des suints de malheur ».
Le Café de l’Excelsior retrace une part d’enfance du narrateur et rend hommage à ce grand-père veuf, improbable et héroïque qui à peut être existé pour de vrai...je n’ai pas fait de recherches pour savoir.
Philippe Claudel est un auteur que j’ai aimé lire et découvrir . Ce n’est pas un coup de foudre comme Asphodèle mais je relirai volontiers ses histoires...sa perception du temps passé.
J’ai souvent eu l’impression d’être dans un film de Jean Becker et c’est un compliment car ses films sont des concentrés d’humanité.
Ces mots pour terminer : « Tout rentre un jour en ordre dans les allées du temps. Il faut se le promettre, il faut bien l’espérer…Nous vivons parmi de grands pans de lumière hachés de noirs fracas, il faut nous en convaincre ».