Ce livre a fait l'objet d'une lecture commune avec Asphodèle : Vous pouvez lire sa chronique Ici
Le livre de ma mère est le témoignage d’Albert Cohen sur l’extraordinaire amour de sa mère pour lui-même et le désespoir du fils de n’avoir pas assez aimé sa maman de son vivant.
Albert Cohen publie Le livre de ma mère en 1954, soit plus de 10 ans après la mort de cette dernière.
Au-delà du sujet universel sur l’amour maternel, filial et l’amour tout court, ce livre est un récit magique, un chef-d’œuvre, une prouesse.
Vous savez à quel point j’ai aimé Belle Du Seigneur… (si cela intéresse quelqu'un , vous trouverez mes 5 articles dans la catégorie éponyme) il y avait gros à parier que je serais déçu par un deuxième livre de Cohen.
Non seulement je ne suis pas déçu, mais j’ai maintenant envie de lire ses autres romans.
Le livre de ma mère est un hommage vibrant d’un fils pour sa mère, hommage posthume mais d’une grande force.
Cohen raconte l’amour sans faille de cette mère juive pour son fils chéri. Il en fait une héroïne qu’il positionne au sommet de tout. Il dit qu’il aime sa fille et sa femme et que sa fille et sa femme l’aiment, mais que cet amour là n’est pas du même ordre que celui de sa mère.
On comprend mieux le parti pris et les mots d’Albert Cohen dans Belle du seigneur après avoir lu ce livre.
Les mots de cet écrivain de génie sont forts, terribles, touchants, dérangeants, oppressants, terriblement humains. On retrouve son style inimitable, créatif, qui ose quitte à parfois être maladroit ou un brin cynique.
C’est la confession d’un fils qui ne se remet pas de la mort de sa mère.
Le livre de ma mère est un texte court, simple et beaucoup plus sobre que Belle Du Seigneur ( 175 pages constituées de courts chapitres…). Lisez ou relisez cette œuvre fantastique.
Je ne sais plus quoi dire d’autre, alors j’ai sélectionné l’un des courts chapitres du livre d’Albert Cohen qui est assurément l’un des très grands écrivains du vingtième siècle, peut être le plus grand ?
« Amour de ma mère. Jamais plus je n’aurai auprès de moi un être parfaitement bon. Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que suis-je étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire du mal de vous, eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rende pas bons, c’est incroyable. Et pourquoi vous répondent-ils si mal, d’une voix de cacatoès, si vous êtes doux avec eux, ce qui leur donne à penser que vous êtes sans importance, c’est à dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d’être méchants, pour qu’on leur fiche la paix, ou même, ce qui est tragique pour qu’on les aime. Et si on allait se coucher et affreusement dormir ? Chien endormi n’a pas de puces. Oui, allons dormir, le sommeil a les avantages de la mort sans son petit inconvénient. Allons nous installer dans l’agréable cercueil. Comme j’aimerais pouvoir ôter tel l’édenté son dentier qu’il met dans un verre d’eau près de son lit, ôter mon cerveau de sa boite, ôter mon cœur trop battant, ce pauvre bougre qui fait trop bien son devoir, ôter mon cerveau et mon cœur et les baigner, ces deux pauvres milliardaires, dans des solutions rafraîchissantes, tandis que je dormirais comme un petit enfant que je ne serai jamais plus. Qu’il y a peu d’humains et que soudain le monde est désert. »
La chronique d'Asphodèle est : Ici