Voici ma participation aux plumes d'Asphodèle sur le thème de la création. Les mots de la semaine sont les suivants:
Artiste, univers, expression, mystère, délivrance, peinture, invention, monde, résistance, don, innovation, agité, créateur, unique, traverser, turbulence, tangente.
Le mystère du créateur n'est rien comparé à celui de l'amour.
Le temps a passé, je suis devenu un artiste de pacotille. Mes peintures se vendent bien et pourtant, pris dans la toile de l'unique modèle, je me contente de dessiner inlassablement son visage et de multiplier à l’infini les expressions de son regard sur mes tableaux.
Anna, je n’ai jamais pu sucer tes seins alors désormais je te croque sans fin.
C’est lorsque j’ai avalé mes premières pilules de Viagra que j’ai décidé de te retrouver, après toutes ces années.
Ha ! Belle invention que le Viagra, qui relance les désirs que les turbulences du temps écoulé n’ont pas su désintégrer...
J’ai contacté une agence de détectives qui proposait comme innovation de pouvoir suivre leur enquête par SMS, très romantique non?
Et là, hier matin, ce message m’informant qu’ils t’avaient localisée. J’ai aussitôt rentré l’adresse de ce point minuscule à l’échelle de l’univers dans mon GPS, et j’ai traversé le pays pour être avec toi, Anna, pour à nouveau, ne serait-ce qu’un instant chercher ton âme dans tes yeux.
Beaucoup de circulation sur l’autoroute agitée, pause café chez Total, un don du ciel cette boisson infâme sortie d’une machine devenue sinistre à force de voir défiler tous les malheurs des hommes.
A Marseille, j’ai pris la tangente, j’ai bifurqué vers la départementale, passé la rade d’Agay sous les roches rougies de l’Estérel, puis je suis revenu dans les terres pour trouver cette jolie bourgade où tu étais.
Arrivé à destination, je suis venu te voir mais il y avait sans arrêt du monde autour de toi.
Je te voulais pour moi seul mon Anna, ces retrouvailles devaient être une délivrance, les autres n’avaient pas le droit de les gâcher.
J’ai dû attendre jusqu’à 18h42 pour pénétrer dans ta demeure. Mon cœur était rentré en résistance depuis le début de l’après midi.
Quand je te vis, plus belle que jamais, parée de cette robe de soie violette, mes bleus au cœur devinrent noirs. Tu dormais, apaisée, ton teint d’albâtre rehaussé par ton maquillage te rendait divine. Je voulus alors me plonger dans l’azur de tes ténèbres, je m’approchais sans bruit et m’apprêtais à poser délicatement mes mains sur tes paupières...
C'est alors que j’entendis une voix d’homme derrière moi dire : « Monsieur, je suis vraiment désolé, il est 18h55, la morgue ferme dans cinq minutes ».
PS : Ce texte m'a été inspiré par une très belle adaptation d'Anna Karénine, vue cette semaine à la télévision.