J’ai découvert Christine Orban avec « la mélancolie du dimanche », sans rien lire d’elle, ni du résumé du livre, juste parce que ce titre me parlait.
« Virginia et Vita » est le quatrième livre que je dévore de Christine Orban et encore cette fois, je suis enchanté.
Ce roman raconte la passion tourmentée entre Virginia Woolf et Vita Sackeville dans les années 1920. D’un coté, Virginia, écrivain de génie possédée par ses oeuvres, modeste, terne et dépressive et de l’autre Vita Sackeville, écrivain de moindre renommée, riche, pétillante, exubérante et douée pour le bonheur. Les 2 sont mariées et les deux sont amoureuses l’une de l’autre, Virginia étant jalouse et fidèle, Vita étant plus volage et légère.
Le livre de Christine Orban aborde le thème de la passion et de la jalousie mais avant tout c’est un fantastique révélateur d’une période de la vie de Virginia Woolf. Bien que romancé, le livre s’inspire d’un fait réel : Virginia n’arrivant pas à être pleinement satisfaite de sa relation avec Vita dans la vie réelle, va alors « virtualiser » sa passion pour son amante en donnant naissance à un personnage de roman (ORLANDO) qui est une vision fantasmée de Vita. Du vécu sentimental de Virginia naîtra alors l’un de ses romans les plus célèbres.
Le livre de Christine Orban raconte l’année de création du roman et parle de " l’amour propre de l’écrivain…le seul qui soit sale".
La force du livre est de montrer non seulement la vie de l’écrivain aux cotés de son mari et éditeur Léonard Woolf, mais aussi le douloureux travail de création de Virginia Woolf. Elle n’existe que par ses livres, qui sont à la fois la cause et l’antidote à sa folie.
Elle écrit dans la souffrance mais dans l’exaltation avant de sombrer dans la dépression, Virginia souffrant d’une forme de psychose maniaco-dépressive, aujourd’hui on parle de troubles bipolaires : « Elle mesurait combien le bonheur lui était artificiel et le désespoir lui était naturel. Ses moments de répit étaient déjà une conquête : guettée par la dérive, elle s’éloignait insensiblement des réalités qu’elle ne percevait plus que volées de tristesse ».
L’écriture de Christine Orban est belle, imagée, toute en retenue et en finesse, explorant la psychologie féminine (comme souvent dans ses livres). C’est à travers l’opposition des deux personnages que l’auteur tisse son récit. C’est un plaisir à chaque page, sans tapage ni effet de style : « Virginia n’avait eu ni son enfance ni son argent, elle se contentait de son imagination, de l’illusion pour faire danser le monde avec toute la nostalgie de celle qui écrit, parce qu’elle ne peut pas vivre ».
« Vita se disait qu’elle aussi la transformerait bien en personnage de papier pour lui dérober son âme, les livres existent pour cela »
Il y a dans « Virginia et Vita » de la profondeur, des sentiments, de la justesse, de la passion, de l’écriture…il y a l’essentiel et c’est passionnant de bout en bout. C’est l’hommage de la romancière à l’écrivain hors normes qu’était Virginia et l'hommage de la femme à ces 2 femmes ecxeptionnelles.
Pour terminer, ce passage que j’aime particulièrement : « Jamais plus, jamais plus, voilà les mots cruels qui devaient envahir sa tête. Mots pestiférés, qui contaminent le dictionnaire tout entier ; les paroles les plus gaies accompagnées de « jamais plus » deviennent sinistres à pleurer. Jamais plus de thé, jamais plus de promenade, jamais plus d’amour. Jamais plus n’est l’ami que des pages les plus sombres d’une vie »
Dans mon prochain article, je parlerai de Virginia Woolf elle-même.