L’être humain est aveugle et sourd.
Regardez tous ces individus qui arpentent le presbytère d’Haworth, pauvres visiteurs qui débarquent pour chercher un souffle d’inspiration, espérant ainsi réveiller les esprits de leurs anciens propriétaires.
Les murs n’ont pas d’oreilles mais ils ont des yeux…et pendant qu’ils patrouillent pour dénicher dans les recoins poussiéreux du salon, de vieilles lettres cachetées du sceau de la passion, les touristes ne voient pas les trois sœurs en manche de chemise de soie noire. Il faut être d'un conventionnel effrayant pour attendre des fantômes blancs.
Elles se faufilent, pareilles à des serpents dans un mur de rocailles, ne laissant échapper qu’un mouvement furtif afin de mieux surprendre les profanateurs de rêveries. On ne peut s’élever impunément en réveillant un mythe…c’est comme partir à la guerre avec un bouquet de fleurs coupées…on ne peut pas lutter, c’est implacable.
Autant accepter l’oraison avant même le combat. Elles sont là…toutes les trois…s’identifier à elles reviendrait à comparer la rage de l’océan au calme aseptisé de notre piscine intérieure, la goélette voguant sur l’estuaire au catamaran franchissant le Cap Nord.
Et pourtant, pourquoi se sent-on plus proche de certains morts que de certains vivants? Tout est histoire d'âmes...et ses trois âmes là sont nos soeurs.
Que deviendrons nous lorsque nos jambes seront lourdes et nos esprits libérés de nos aigres pensées ?
Ne jamais baisser la garde, ne jamais prendre congé de nous même…
Ecrire nos peurs et nos frustrations revient précisément à implorer nos propres démons de nous ficher la paix.
Anne, Charlotte et Emily l’ont fait, elle sont nos éternelles maîtresses, insaisissables et subtiles, s’évaporant au premier signe de détection de leur présence…