Avez- vous un jour été en dépression?
Moi cela m'est arrivé une fois dans ma vie, l'année dernière. Pas un coup de stress ou une déprime, cela arrive de temps à autres dans une vie, non une bonne vraie dépression...fin de la crise de la quarantaine sûrement.
Comment je sais que c'était une dépression?
Ben quand même aller chercher le pain est une épreuve, que vous ne dormez pas la nuit, que vous vous rendez compte que vous êtes mortel (dans le sens premier du terme cat je suis mortel non??) que vous avez peur de mourir, que certains soirs vous ne supportez pas d'éteindre la lumière en allant au lit, que vous ne pensez qu'à vous lobotomiser la tête en regardant des émissions nases à al télé ...etc.
Bref croyez-moi sur paröle et même si elle n'a duré que quelques mois, la dépression ne m'a fait pas du bien.
Et là, comme quand il vous arrive de vrais coups durs, vous vous rendez compte que les autres ne peuvent rien pour vous, que vous êtes seul, que l'enfer c'est souvent les autres comme disait l'autre justement.
C'est un peu de votre faute, car vous êtes fier et vous ne vous baladez pas avec une pancarte autour du coup mais bon on peut être observateur et ouvrir ses yeux aussi...
Il y a quelques autres qui voient mais ils vous demandent si cela va avec un grand sourire...il y a ceux qui ne voient rien et de très rares qui voient mais qui sont impuissants voire qui vous enfoncent bien malgrè eux.
Allez dire à un jeune qui vit un chagrin d'amour qu'il est jeune et "qu'une de perdue c'est 10 de retrouvées..." ou à une nana qui perd l'usage d'une jambe qu'elle pourra faire les jeux para-olympiques...chez Poutine !
Enfin , certains vous aident indirectement, sans le savoir parfois.
Mais alors, à quoi se racrocher pour réenclancher la machine et reprendre le cours normal de
son existence?
Ben a des signes...( et non à des )
Démonstration !
Figurez-vous que l'année dernière, un rossignol a débarqué dans mon jardin en février avec son chant reconnaissable entre tous. Cela a l'air anodin sauf que jamais il n'y en avait eu avant. J'avais eu des rouge-gorges, des chardonnerets, des pies, des merles, des non identifiés mais jamais de rossignols.
Et quand ce rossignol est apparu, il s'est mis à faire un temps effroyable : 3 mois de pluie, vent froid...un printemps terrible de mi-mars à fin juin, du jamais vu !
Et tous les jours, mon rossignol chantait comme si de rien n'était. Le matin, je l'entendais, le soir je le cherchais en fermant les volets et dehors c'était le déluge absolu.
Et l'oiseau tenait le coup, il chantait quoi qu'il arrive.
Hé bien, je crois que je me suis raccroché à lui (et aux médocs aussi, faut pas travestir la réalité même si notre blogosphère c'est Bisounours land on ne se remet pas d'une dépression même légère en écoutant chanter les rossignols ) mais je me motivais ainsi : "puisque lui il tient et chante malgrè le déluge sur sa tête", je tiendrai.
Je l'ai vu comme un messager cet oiseau, une sorte d'ange-gardien arrivé ici pour me soutenir par sa présence.
Le temps a passé, la machine s'est réenclanchée, il y a eu la Corse...30 degrés tous les jours, et au retour, à nouveau 10 jours de temps pourri et toujours mon Rossignol. Puis j'ai totalement repris le contrôle des choses, l'été est arrivé et un beau jour je me suis rendu compte que le Rossignol était parti...on était en juillet. Je guérissais et lui partait...
On est en 2014 et depuis quelques jours, il est revenu...enfin j'aime à penser que c'est "mon rossignol" et pas "un rossignol" mais cette année, il n' est pas toujours dans notre jardin, même si je l'entends très tôt le matin : c'est souvent le premier son que j'entends vers 5h 45 et je souris, je le guette depuis ma couette douillette !
Et puis cette année, il fait beau, j'ai la banane et la forme... !
Je ne verrai plus les rossignols de la même façon qu'avant...
J' ai cherché sur le net ce que symbolisait le rossignol en littératire et en poésie, plusieurs sources disent qu'il symbolise à la fois l'amour et la mort : " Le symbole du rossignol est fortement marqué par l'amour et la mort qui sont irrémédiablement liés l'un à l'autre. On peut noter que le rossignol en littérature accompagne le héros dans la souffrance afin de la rendre moins pénible."
Le poème le plus connu de John Keats est " l'ode à un rossignol" écrit en 1819 .
J'ai vu la maison de Keats, jumelle de celle de Fanny Browne , qu'il aimait éperduement et dont il fut séparé, notamment en raison de sa maladie et un peu aussi de sa jalousie. Cette maison est à Hampstead, un quartier étonnant de Londres, je dis ça si jamais vous avez l'occasion de vous y trouver...
Keats écoutait un rossignol qui venait de nicher dans son jardin...et la légende dit qu'il écrivit son poème dans la journée...
"L'ode a un rossignol met en avant le contraste entre le rossignol au chant immortel et l'homme mortel qui s'assoit dans son jardin pour écouter la douce mélodie de l'oiseau qui berce ses nuits dans l'attente de sa propre mort."
Pour les amateurs de poésie qui passent ici et qui ne sont pas encore endormis en lisant cet article (inter)minable, ( je sais je fais des looongs articles en ce moment et je vous voie en train de bailler...) voici le poème de Keats en français puis en V.O. Je ne comprends même pas la version française mais c'est l'un des plus grands poèmes romantiques de tous les temps...
Ode à un rossignol
Mon coeur se serre et une torpeur douloureuse
Me prend comme si j'avais bu à longs traits
La cigüe, ou bien quelque morne opium,
Et coulé à l'instant au fond du Léthé :
Non que j'envie ton heureuse fortune,
Mais je me réjouis trop de ta félicité, -
Qu'ainsi, dryade aux ailes légères,
Dans un mélodieux bouquet
De hêtres verts et d'ombres innombrables,
A plein gosier tu incantes l'été.
O que je boive une gorgée d'un vin
Rafraîchi dans les abîmes de la terre,
Fleurant bon Flore et la verte campagne,
Danse et chant de Provence, allégresse solaire !
O la chaleur du Sud à plein cratère
Où rougit l'authentique Hippocrène,
Son chapelet de bulles pétillant
A la bouche tachée de pourpre ;
O que j'en boive ! et quitter, ignoré, le monde,
M'évanouir avec toi dans la forêt profonde :
M'évanouir au loin, me dissoudre, oublier
Ce qu'en ta frondaison tu ne connus jamais,
L'ennui d'ici, la fièvre, le dégoût
Des humains occupés à s'écouter gémir ;
Où la paralysie ne laisse tressaillir
Que l'ultime poil gris, triste, clairsemé,
Quand, devenue d'une pâleur de spectre,
La jeunesse diaphane se meurt ;
Où toute pensée n'est plus rien que douleur
Et désespoir aux yeux vides ;
La Beauté même en perd son regard lustral,
Et le nouvel Amour languit, sans avenir.
Au loin ! Au loin ! Je volerai vers toi,
Non sur le char aux léopards de Bacchus,
Mais sur les ailes invisibles de la Poésie,
Tout encombré pourtant de mon cerveau infirme :
Avec toi, déjà ! Tendre est la nuit,
Et il se peut que sur son trône la Reine Lune
Se drape d'un essaim féérique d'étoiles ;
Pourtant ici nulle lumière,
Sinon ce qui nous vient des cieux avec les brises
Et court sur les chemins moussus, dans les ténèbres.
Je ne puis distinguer ni les fleurs à mes pieds,
Ni l'encens délicat flottant dans la ramure,
Mais dans l'obscur embaumé je perçois chaque effluve
Que répand alentour la saison opportune,
Sur l'herbe, le hallier, les baies sauvages,
La blanche aubépine et l'églantier pastoral,
Et l'éphémère violette sous les feuilles ;
Et sur la fille aînée du mois de Mai,
La rose musquée qui déborde de rosée enivrante,
Annonçant les soirées bourdonnantes d'été.
J'écoute sombrement ; c'est vrai que souvent,
A moitié amoureux de la Mort consolante,
Dans plus d'un vers rêveur je l'ai nommée tendrement,
Qu'elle emporte dans les airs mon souffle apaisé ;
Maintenant plus que jamais, mourir semble une fête,
Cesser d'exister, sans douleur, à minuit,
Au moment même, Rossignol, où en pareille extase
Tu donnes libre cours à ton âme !
Et toujours tu chanterais, mais vainement,
Ton haut requiem au gazon de ma tombe.
Toi, tu n'es pas né pour mourir, Oiseau immortel !
Nulle avare génération ne t'a foulé aux pieds ;
Cette voix que j'entends dans la nuit fugitive
Aux temps anciens berçait souverains et bouffons :
Ce même chant, qui sait, avait trouvé la voie
Du triste coeur de Ruth privée de sa patrie,
Debout, en larmes, parmi la moisson étrangère ;
Le même qui maintes fois enchanta
Des croisées par magie ouvertes sur l'écume
De mers dangereuses, au pays sans retour des fées.
Sans retour ! C'est un glas qui résonne en ces mots,
M'arrache à toi, me livre à ma solitude.
Adieu ! Car malgré ce qu'on dit, les chimères
Ne peuvent tout à fait nous abuser, - elfe joueur,
Adieu ! Adieu ! ton hymne plaintif s'évanouit,
Court sur le pré voisin et le ruisseau tranquille,
Jusqu'au sommet de la colline ; le voilà enterré
Tout au fond, sous l'herbe du val proche :
Etait-ce une vision ? ou un rêve éveillé ?
La musique envolée, suis-je avec elle en songe ?
Traduction de A. Praud, 2010
Ode to a Nightingale
My heart aches, and a drowsy numbness pains
My sense, as though of hemlock I had drunk,
Or emptied some dull opiate to the drains
One minute past, and Lethe-wards had sunk:
Tis not through envy of thy happy lot,
But being too happy in thine happiness, --
That thou, light-winged Dryad of the trees
In some melodious plot
Of beechen green, and shadows numberless,
Singest of summer in full-throated ease.
O, for a draught of vintage! that hath been
Cool'd a long age in the deep-delved earth,
Tasting of Flora and the country green,
Dance, and Provençal song, and sunburnt mirth!
O for a beaker full of the warm South,
Full of the true, the blushful Hippocrene,
With beaded bubbles winking at the brim,
And purple-stained mouth;
That I might drink, and leave the world unseen,
And with thee fade away into the forest dim:
Fade far away, dissolve, and quite forget
What thou among the leaves hast never known,
The weariness, the fever, and the fret
Here, where men sit and hear each other groan;
Where palsy shakes a few, sad, last gray hairs,
Where youth grows pale, and spectre-thin, and dies;
Where but to think is to be full of sorrow
And leaden-eyed despairs,
Where Beauty cannot keep her lustrous eyes,
Or new Love pine at them beyond to-morrow.
Away! away! for I will fly to thee,
Not charioted by Bacchus and his pards,
But on the viewless wings of Poesy,
Though the dull brain perplexes and retards:
Already with thee! tender is the night,
And haply the Queen-Moon is on her throne,
Cluster'd around by all her starry Fays;
But here there is no light,
Save what from heaven is with the breezes blown
Through verdurous glooms and winding mossy ways.
I cannot see what flowers are at my feet,
Nor what soft incense hangs upon the boughs,
But, in embalmed darkness, guess each sweet
Wherewith the seasonable month endows
The grass, the thicket, and the fruit-tree wild;
White hawthorn, and the pastoral eglantine;
Fast fading violets cover'd up in leaves;
And mid-May's eldest child,
The coming musk-rose, full of dewy wine,
The murmurous haunt of flies on summer eves.
Darkling I listen; and, for many a time
I have been half in love with easeful Death,
Call'd him soft names in many a mused rhyme,
To take into the air my quiet breath;
Now more than ever seems it rich to die,
To cease upon the midnight with no pain,
While thou art pouring forth thy soul abroad
In such an ecstasy!
Still wouldst thou sing, and I have ears in vain --
To thy high requiem become a sod.
Thou wast not born for death, immortal Bird!
No hungry generations tread thee down;
The voice I hear this passing night was heard
In ancient days by emperor and clown:
Perhaps the self-same song that found a path
Through the sad heart of Ruth, when, sick for home,
She stood in tears amid the alien corn;
The same that oft-times hath
Charm'd magic casements, opening on the foam
Of perilous seas, in faery lands forlorn.
Forlorn! the very word is like a bell
To toll me back from thee to my sole self!
Adieu! the fancy cannot cheat so well
As she is fam'd to do, deceiving elf.
Adieu! adieu! thy plaintive anthem fades
Past the near meadows, over the still stream,
Up the hill-side; and now 'tis buried deep
In the next valley-glades:
Was it a vision, or a waking dream?
Fled is that music: -- Do I wake or sleep?
John Keats, 1819