J’ai découvert Lilyane Beauquel en 2011 avec son premier livre « Avant le silence des Forêts » , qui obtint le Prix Littéraire des Hebdos en Région 2012. J’étais à l’époque membre du jury de ce prix assez confidentiel, et les discussions furent rudes pour départagerLilyiane Beauquel et Jean-philippe Blondel avec « Et rester vivant ».
A cette occasion j’avais été bluffé, quasi hypnotisé par le style unique et exigeant, très poétique de Lyliane Beauquel.
J'en avais parlé : Ici.
Je l’ai retrouvée avec grand plaisir avec son deuxième roman ( toujours édité chez Gallimard ) intitulé « En remontant vers le Nord ».
Le livre est le récit du percement d’un tunnel dans une montagne austère et reculée d’un pays Nordique. C’est Sven, jeune ingénieur originaire de ce pays qui revient pour conduire l’ouvrage après dix années passées à la ville. Dix ans plus tôt, il a littéralement fuit son pays natal, sclérosé par le poids des traditions, la lutte des clans familiaux, l’archaïsme et le lourd boulet du passé. Son père avait fuit lui aussi en son temps…et son grand-père aussi, à sa manière…
J’ai retrouvé une trame assez proche d’ « Avant le silence des forêts ». Une intrigue minimaliste, des personnages qui prennent vie et corps petit à petit et surtout ce style si particulier de l’auteur, poétique, énigmatique et beau comme ici quand Sven évoque sa dulcinée... « Pas de dialogue amoureux. Nous nous jetons ce défi avec un air d’intelligence. Ce premier temps du désir, ce chemin étrange. Silke, rien que sa peau. Nous sortons sur le rocher plat, la lune compose la chambre de plein air, ivoire et mouillée. A son front un pli remonte aux tempes et dit qu’elle rêve.
Une femelle élan et son petit, immobiles derrière les arbres, s’accordent à la suspension du temps et n’osent le remettre en route. L’alternance du jour et de la nuit a diminué avec un aplomb sans pareil, jusqu’à ne plus donner de rythme aux heures. »
Je dois dire que j’ai eu plus de mal à rentrer dans ce livre ci. J’ai manqué de repères (on ne connaît pas le lieu, ni la période), le récit progresse trop doucement à mon goût, et parfois j’ai lâché prise et suis resté au bord du sentier montant à l’entée du tunnel.
« En remontant vers le Nord » n’est pas un livre facile à lire, le style de Lilyane Beauquel se mérite, il faut lire doucement et arriver à suivre les personnages dans leur dimension poétique et mystérieuse, ne pas avoir le tournis au milieu des phrases d’équilibriste de l’auteur.
« En remontant vers le Nord » est aussi voire surtout (selon moi) un livre sur la recherche de ses racines et de soi-même à travers Sven et le prisme de la construction de son tunnel.
Sur la fin, les péripéties s’enchaînent, comme si l'aboutissement du percement du tunnel redonnait un souffle d’oxygène aux personnages. Le dénouement est logique même si ce n’est pas forcément celui que j’attendais, je ne suis pas fana des happy end.
Les livres de Lilyane Beauquel sont à contre-courant de la littérature dite « commerciale » même si je n’aime pas ce terme, et ils raviront les amateurs et amatrices de textes forts et exigeants ( Aspho je parle de toi...), les amateurs de poésie et d’images.
C’est une véritable expérience littéraire, mi-poétique mi-onirique: « Les rêves font des toits de grande pierre. Les rêves ne sont pas muets, ou alors pour celui qui rêve mal ou trop court. L’important est le mot caché. Le déchiffreur prendra du temps, toute une vie peut-être, la clé du chaos des songes. Le rêveur le sait… »
Au final, bien que moins enthousiaste que pour le premier roman de Lilyane Beauquel, j’ai passé un très bon moment de lecture avec « En remontant vers le Nord » et je lirai le prochain livre de cet auteur singulier, toujours avec autant de plaisir !